L’électrification des flottes : levier de performance ou mirage budgétaire ?
Dans un contexte où la transition énergétique devient autant un impératif réglementaire qu’un enjeu d’image, de plus en plus d’entreprises s’intéressent aux véhicules électriques (VE) pour leur flotte. Sur le papier, leur coût total de possession (TCO – Total Cost of Ownership) est souvent plus avantageux que celui des modèles thermiques, notamment grâce à une fiscalité favorable et à des coûts d’entretien réduits. C’est ce que révèle le TCO Scope 2024 de l’Arval Mobility Observatory : dans 9 cas sur 11, les VE s’avèrent globalement plus compétitifs en TCO. Pourtant, certains indicateurs comme le prix de revient kilométrique (PRK) brut peuvent encore apparaître défavorables à l’électrique : 0,377 €/km contre 0,371 €/km pour les thermiques sur une base de 100 000 km en 48 mois. Une différence qui souligne la nécessité d’une lecture globale du TCO, incluant fiscalité, usage réel, et gestion intelligente de la flotte.
C’est là que les stratégies de mutualisation et d’optimisation de l’usage prennent tout leur sens. “Favoriser la recharge en entreprise permet de maîtriser le TCO de l’électrique, en évitant les coûts élevés de la recharge publique”, explique Alexis Lefèvre, chef de projet mobilité chez Eneria. Installer des bornes sur site et planifier l’usage des véhicules via des logiciels intelligents devient alors une clé d’optimisation du budget mobilité. Des solutions comme OPTI-Charging ou OPTI-Sharing, proposées par des éditeurs tels que WilliM, permettent non seulement d’optimiser la recharge selon la disponibilité du réseau et les plannings des utilisateurs, mais aussi de rationaliser les trajets et d’éviter les véhicules inutilisés — l’un des postes d’OPEX les plus invisibles mais les plus coûteux d’une flotte.
L’autopartage en entreprise, adossé à des véhicules électriques, apparaît ainsi comme une réponse concrète à la double exigence de rentabilité et de durabilité. En mutualisant les véhicules entre collaborateurs selon leurs besoins réels, on réduit significativement le taux d’immobilisation et on maximise le retour sur investissement du CAPEX initial élevé des VE. Cette approche n’est plus seulement théorique : des écoles supérieures nantaises telles que l’ICAM ou l’IMT Atlantique ont franchi le pas, en intégrant des solutions d’autopartage dans la gestion de leur flotte interne. Résultat : une baisse moyenne de 20 % de leurs OPEX liés à la mobilité, et une réduction de leur nombre de véhicules d’environ trois unités par flotte, sans perte de service. Ces chiffres confirment que repenser la flotte en fonction de l’usage réel permet une optimisation concrète et mesurable.
Là où le débat sur le TCO des véhicules électriques peut sembler encore flou, notamment en ce qui concerne les utilitaires légers — où le PRK moyen reste encore de 0,313 €/km pour un VE contre 0,288 €/km pour un thermique —, l’approche globale de la gestion de flotte fait toute la différence. En combinant électrification, autopartage et gestion intelligente, les entreprises peuvent transformer un poste de dépense perçu comme contraint en véritable levier stratégique. Loin d’être une simple adaptation à la réglementation, cette transition devient un vecteur d’efficience économique, d’image responsable, et de bien-être collaborateur. Finalement, la question n’est plus de savoir si le TCO de l’électrique est meilleur, mais comment l’organisation peut structurer sa flotte pour en tirer toute la valeur